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cinéma

Les émotifs anonymes

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Angélique est une chocolatière de grand talent, mais parce qu'elle est très émotive, elle cache ce don en l'attribuant à un autre. Jean-René, lui aussi est un grand émotif. Il dirige sa petit chocolaterie reclus dans un bureau dont il sort le moins souvent possible. Quand Angélique se présente dans sa petite entreprise, il l'embauche immédiatement. Réunis par leur amour commun du chocolat, leur timidité handicapante les empêche cependant de se rapprocher. Malgré leur peur commune d'exprimer leurs sentiments, il leur faudra dénicher en eux-mêmes le courage suffisant pour, enfin, se trouver.

Cinéaste discret, explorateur des petites angoisses de la vie, Améris prend, dans ce film, le taureau par les cornes. Hyperémotif lui-même, il nourrit cette comédie romantique d'une approche à la fois tendre et affûtée de cette incommunicable difficulté à être en société que connaissent les hyperémotifs. Angoisses inexplicables, paralysie soudaine ou panique généralisée en face de l'autre, inquiétudes inattendues devant des instants quotidiens qui poussent à se réfugier dans un petit univers personnel, source de confort mais aussi de courage. Tout cela, il le dépeint superbement, à la fois en conférant à ses deux héros des personnalités et des habitudes bien différentes et en éclairant son film de teintes rouges et vertes à la fois source de poésie et incarnation subtile du cocon dont s'entourent Angélique et Jean-René. L'une reprend la chanson de Julie Andrews (dans La mélodie du bonheur de Robert Wise) pour se donner du courage au moment d'affronter des moments angoissants, l'autre ne participe jamais à un rendez-vous sans avoir plusieurs chemises de rechange... Parce que Jean-Pierre Améris sait très bien de quoi il parle, son rire ne se fait jamais moqueur mais plutôt touchant et très malin. Nombreux sont les cinéastes à se réclamer des comédies américaines d'Ernst Lubitsch, Frank Capra ou Blake Edwards; seul Améris en retrouve ici l'intelligence, la vivacité et le charme. Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde constituent en cela ses deux alliés les plus précieux : acteurs précis, complets, investis et extraordinaires de tendresse et de drôlerie lorsqu'ils endossent les caractères de leurs personnages et retranscrivent subtilement ces petites luttes contre les rébellions de leurs corps lorsqu'il s'agit de se dévoiler un peu. À eux deux, et avec le regard respectueux et proche à la fois que le cinéaste jette sur ces deux anti-héros, ils réussissent à faire de ce petit film inattendu une comédie vivace, vivante, pleine d'une discrète joie communicative, pétrie d'une humanité jamais feinte et appuyée sur une mécanique cinématographique qui a l'intelligence de ne jamais s'empêtrer de faux-semblants pour aller droit au but et parler à l'intelligence de ses spectateurs (plutôt que de viser de moins nobles instincts). Assurément un chef d'oeuvre discret, le plus beau cadeau du cinéma français de cette année.

Publié le 21/12/2010 Auteur : Guillaume B.


Mots clés : cinéma