A la recherche du temps perdu…

 On se souvient de cette magnifique exposition au Fresnoy consacrée il y a quelques années à Thierry Kuntzel, voici aujourd’hui l’occasion rêvée de confronter et de mettre en perspective l’œuvre de Thierry Kuntzel avec celle de son grand ami, Bill Viola.

Raymond Bellour le commissaire de cette émouvante exposition, fut lui aussi, comme Bill Viola un ami de Thierry Kuntzel - disparu en 2007. Il a travaillé pour la scénographie avec Christophe Boulanger, dont l’originalité a fait dire à Bill Viola que la présentation de cette exposition au Fresnoy, était pour lui la plus belle de sa vie en ce qui concerne son travail de vidéaste.

Voir une vidéo de Thierry Kuntzel ou Bill Viola, c’est faire l’expérience sensorielle d’un temps dilaté, ralenti, suspendu… d’un temps hors du temps. Modifier le réel pour nous le donner à voir transfiguré et nous obliger à nous interroger sur les questions essentielles de la vie et de la mort est un exercice de haute voltige dans lequel Bill Viola et Thierry Kuntzel sont passés maîtres.

 Les 7 films et installations vidéos plongent le spectateur dans un état quelque peu second et la grande nef du Fresnoy n’a jamais été un lieu aussi beau. Dans un noir presque extrême, le visiteur se repère aux sources de lumière des vidéos et déambule presque sur la pointe des pieds comme dans une cathédrale, saisi par le côté sacré du lieu appuyé par la scénographie sensible et intelligente de Christophe Boulanger qui fait écho aux œuvres des deux artistes. Beauté, douleur, lenteur, philosophie et spiritualité sont les maîtres mots de cette exceptionnelle exposition.

Deux œuvres emblématiques jalonnent le parcours de l’exposition. He weeps for you (1976), la première installation vidéo de Bill Viola - interactive bien avant les prouesses de l’informatique ! - est basée sur la mystique Soufi. Quand une goutte d’eau symbolise la vie et la mort elle pourrait bien rejoindre La Peau de Thierry Kuntzel. Immense projection qui occupe quasiment toute la largeur de la grande nef du Fresnoy. Beau symbole que ce plus que lent défilement de la diversité des peaux humaines, sorte de résumé de notre humanité à peine mouvante et pourtant pas immobile. « Sans doute mon dernier hommage (dommage) au cinéma, au film. » disait Thierry Kuntzel à propos de cette œuvre dont le paysage poétique nous invite à la méditation.